L’histoire criminelle européenne est jalonnée d’affaires marquantes, et les casses de coffres-forts en constituent un chapitre particulièrement fascinant. Ces opérations, souvent qualifiées de « casse du siècle », témoignent d’une planification méticuleuse et d’une audace hors du commun. Elles captivent l’imagination par les enjeux financiers ou symboliques qu’elles représentent. Ce récit explore certains des vols les plus emblématiques ayant marqué l’Europe, mettant en lumière l’ingéniosité des criminels face aux systèmes de sécurité de leur époque. Nous examinerons des incidents majeurs ayant repoussé les limites de la criminalité organisée, avant d’analyser l’évolution des technologies de sécurisation face aux méthodes de cambriolage toujours plus sophistiquées.

Le casse de la Société Générale de Nice (1976) : Un tunnel vers la légende

Casse de la Société Générale de Nice en 1976

L’un des cambriolages les plus audacieux de l’histoire française s’est déroulé à la Société Générale de Nice en juillet 1976. Cet événement, surnommé le « casse du siècle », a vu des malfaiteurs vider environ 317 coffres de particuliers sans déclencher d’alarme ni recourir à la violence. À la tête du groupe : Albert Spaggiari, chef du Gang des Égoutiers. Leur exploit ? Creuser un tunnel de plus de huit mètres via les égouts pour accéder à la salle des coffres, contournant ainsi alarmes et caméras, inefficaces face à une attaque par le sous-sol. Ce braquage, préparé pendant des mois avec une précision remarquable, demeure célèbre pour son ingéniosité autant que pour son butin de 46 millions de francs (environ 33 millions d’euros actuels).

Ce cambriolage illustre la puissance d’une planification méticuleuse et l’exploitation de failles insoupçonnées. L’opération, menée sur plusieurs jours sans être détectée, a révélé d’importantes lacunes dans les protocoles de sécurité bancaire. La confiance excessive envers le blindage des coffres a conduit à négliger la sécurisation de leur environnement. La participation d’une vingtaine de complices sur une période de deux mois témoigne d’une organisation hors norme. Le caractère non violent, associé à un message provocateur laissé sur place, a contribué à forger la légende de Spaggiari, dont l’évasion n’a fait que renforcer le mythe. L’épisode souligne une atteinte massive à la sécurité et à la confiance des clients, tandis que la réaction initiale de la banque — évoquant un simple problème technique — révèle un manque de préparation manifeste.

Le gang des Postiches (1981-1986) : L’Art du déguisement

Dans le Paris des années 1980, le Gang des Postiches s’est imposé comme l’un des groupes criminels les plus audacieux. Actif de 1981 à 1986, ce gang se distinguait par des braquages extrêmement bien orchestrés. Leur signature : des déguisements élaborés (perruques, fausses moustaches, lunettes), leur permettant de se fondre parmi les clients des banques avant de passer à l’action.

Leur mode opératoire était aussi simple qu’efficace : neutralisation du personnel et des clients, désactivation des caméras, puis ouverture des chambres fortes. En cinq ans, ils auraient volé près de 60 millions de francs (environ 29 millions d’euros actuels).

Braquage de coffres forts par le gang des Postiches

Ce gang incarne une nouvelle ère du braquage : stratégique, organisé, et bien renseigné. Le choix de coffres accessibles durant les heures d’ouverture témoigne d’une compréhension fine des failles de sécurité. L’usage du déguisement leur permettait de retarder toute réaction policière. Bien que certains membres aient été arrêtés, leur influence a marqué durablement l’histoire criminelle française. Le plan Ballon, destiné à les intercepter, montre à quel point leurs méthodes ont forcé l’adaptation des forces de l’ordre. Le dénouement tragique de plusieurs confrontations souligne les risques mortels associés à ce type de braquage.

Le vol du Diamond Centre d’Anvers (2003) : Patience, technique et un sandwich fatal

Le Vol du Diamond Centre d’Anvers (2003)

En février 2003, le Diamond Centre d’Anvers, l’un des lieux les plus sécurisés de Belgique, fut la cible d’un vol spectaculaire. À sa tête : Leonardo Notarbartolo, qui avait loué un bureau deux ans auparavant sous une fausse identité de négociant en diamants. Cette couverture lui permit d’étudier les lieux et de préparer minutieusement l’opération.

L’équipe a utilisé des méthodes dignes d’un film d’espionnage : caméra cachée, laque pour neutraliser les détecteurs thermiques, sacs plastiques sur les caméras, plaque d’aluminium personnalisée pour désactiver un verrou magnétique… jusqu’à découvrir par hasard une clé laissée dans une pièce voisine. Les détecteurs de chaleur furent neutralisés avec des boîtes en polystyrène. Un cric manuel permit d’ouvrir 123 des 160 coffres. Le butin : plus de 100 millions de dollars en diamants, or, bijoux, espèces et titres.

La chute du gang vint d’un détail inattendu : un sandwich au salami, jeté sur place, portait l’ADN de Notarbartolo. Il écopa de 10 ans de prison ; ses complices, de peines moindres. Le butin, lui, reste introuvable. Notarbartolo affirma plus tard qu’il s’agissait en réalité d’une escroquerie à l’assurance et que le montant volé était bien inférieur.

Ce vol est un exemple d’extrême préparation et de technicité dans le contournement de systèmes de sécurité avancés. L’erreur humaine, aussi minime soit-elle, a toutefois suffi à défaire une opération d’envergure.

Autres casses européens notables : Diversité des méthodes et cibles

De nombreux autres braquages en Europe se distinguent par leur audace et leur diversité :

  • Hatton Garden Safe Deposit Company (2015, Royaume-Uni) : Un groupe de cambrioleurs âgés a percé un mur de béton après être descendu par une cage d’ascenseur, volant plus de 14 millions de livres sterling.
  • Casse du Carlton de Cannes (2013, France) : Un homme seul armé s’est emparé de 115 millions de dollars de bijoux lors d’une exposition.
  • Aéroport de Bruxelles (2013, Belgique) : Des braqueurs ont intercepté un avion en plein chargement, s’emparant de diamants pour environ 50 millions de dollars.
  • Voûte Verte de Dresde (2019, Allemagne) : Des joyaux du XVIIIe siècle, évalués à plus de 110 millions d’euros, ont été volés.
  • Banque de France, Saint-Nazaire (1986) : 11,4 millions de dollars dérobés.
  • Banque de France, Toulon (1992) : 146 millions de francs volés.
  • Caisse d’Épargne, Paris (1980) : 11,5 millions de dollars dérobés.
  • Aéroport de Schiphol (2005, Pays-Bas) : Vol de diamants d’une valeur indéterminée.
  • Bijouterie Harry Winston (2008, Paris) : Braquage spectaculaire de pierres et montres estimées à 85 millions de dollars.

Ces exemples illustrent la diversité des cibles, la créativité des méthodes employées et l’appât du gain qui motive ces crimes. Leur récurrence démontre aussi la complexité de sécuriser des biens de grande valeur.

L’évolution de la sécurité : Une course technologique

Depuis les coffres en bois du XVIIIe siècle jusqu’aux systèmes biométriques contemporains, la sécurité des coffres-forts a connu une transformation radicale. Chaque innovation entraîne une contre-innovation. Les serrures mécaniques ont cédé la place aux systèmes électroniques et, plus récemment, à la reconnaissance biométrique. Les criminels, eux, ont suivi : perçage, lances thermiques, autodialers, brouilleurs de signaux, imagerie thermique…

Les « gangs à aspirateur » et les hackers s’attaquent aujourd’hui aux failles numériques. Malgré les progrès, aucune technologie n’est infaillible. L’erreur humaine ou le manque de protocoles renforcés peuvent toujours ouvrir une brèche. L’intégration de l’IA prédictive dans les systèmes de sécurité marque une nouvelle ère, capable d’anticiper certains scénarios d’attaque.

La leçon est claire : seule une sécurité multicouche – physique, électronique et humaine – peut aujourd’hui prétendre contrer les menaces modernes.

Une lutte sans fin…

Les casses célèbres en Europe sont à la fois des récits d’ingéniosité criminelle et des avertissements pour les professionnels de la sécurité. À l’ère des technologies de pointe, les braquages spectaculaires comme ceux du Gang des Postiches ou de Spaggiari sont devenus presque impossibles. Mais la vigilance reste essentielle : les criminels, comme les systèmes de sécurité, évoluent constamment.

Les coffres du XXIe siècle sont dotés de capteurs thermiques, de reconnaissance faciale, de vidéosurveillance intelligente et d’alarmes interconnectées. L’intelligence artificielle permet même de détecter des comportements suspects avant qu’un acte ne soit commis. La bataille entre la sécurité et le crime se joue désormais sur le terrain de la cybersécurité autant que sur celui des coffres blindés.